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« On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif ! » 😰

  • Photo du rédacteur: alice langlet
    alice langlet
  • 7 janv. 2022
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 janv. 2022

Comment susciter l’envie dans un projet de transformation qui a un impact profond sur la culture de l’entreprise ?

Il sera ici question de ce que l’on appelle communément aujourd’hui le « changement de mindset ». 🤔


Voici le témoignage de Francesca Aceto, Directrice Territoriale Centre Val de Loire SNCF Réseau. Francesca a été Présidente du réseau SNCF Au Féminin (devenu désormais SNCF Mixité) de 2016 à 2020. Elle nous livre ici ce qu’elle retient de cette aventure professionnelle , qu’elle utilise désormais pour accompagner la transformation territoriale de SNCF Réseau.


En 2016, SNCF Au Féminin était un réseau de 4500 membres, une communauté qui s’était constituée principalement de « militantes » pour développer l’égalité hommes-femmes dans notre entreprise qui compte près de 80% d’hommes 🤔. L’enjeu était alors de passer de ces convaincues de la première heure à une communauté plus large de personnes qui pouvaient avoir des craintes, des réticences ou des incompréhensions sur cette thématique de l’égalité hommes-femmes en entreprise.


👉🏻 Dans un projet de transformation culturel, comment élargir sa cible et son audience pour passer le cap du lancement de projet dans lequel seuls les « early adopters » sont à bord ?


Francesca, quels sont les freins et les risques à se cantonner à une assemblée de militants ou de convaincus de la première heure dans un projet de transformation culturelle en entreprise ?


« Je pense que tout gros changement est d’abord impulsé et porté par des militants, des personnes extrêmement convaincues de la nécessité de ce changement, des bienfaits qu’il peut apporter ; ces personnes sont des pionnières celles prêtes à donner des "gros coups de pioche dans le système". Cette première impulsion est nécessaire pour permettre à l’organisation de se remettre en question. Pourtant, quelques temps après le lancement, quand ces personnes se retournent, elles se rendent compte qu’elles se retrouvent seules et, comme elles "ont la pioche dans la main", elles s’aperçoivent qu’elles peuvent faire peur à ceux qui sont davantage dans le doute, le questionnement. 😥 Certaines questions peuvent émerger, comme « Est-ce que je peux faire confiance à quelqu’un qui a une pioche dans la main ? Est-ce que je ne risque pas de me prendre un coup ? ». 😳

Face à un changement certaines personnes osent y aller, mais parce qu’elles osent, elles peuvent effrayer les plus hésitants. Alors, 2 questions s’invitent :

🔎 La confiance dans le système relationnel du collectif.

🔎La question de « se reconnaitre dans ». Quand mon histoire, mon socle culturel est différent de celui que prend la communauté, il m’est plus difficile de me reconnaitre dans ce qui est proposé. C’est quelque chose que j’ai très vite entendu chez SNCF Au Féminin avec des phrases comme « je ne suis pas féministe », « je ne veux pas mener des batailles », je ne veux pas supprimer les hommes, ni prendre leur place ».

La remise en cause du système patriarcal dans le monde professionnel pouvait être perçue comme une menace par certains hommes et certaines femmes. Il s’agit là d’un quiproquo, les militantes de la première heure n’étaient pas des femmes qui voulaient « éliminer les hommes » pour prendre leur place dans l’entreprise. »


Quelle a été la solution que vous avez pu trouver pour franchir ce cap dans le projet de transformation conduit par SNCF Au Féminin ?


« La solution pour sortir de ces débats d’opposition a été d’apporter une pédagogie forte autour des ressentis avec un partage des vécus émotionnels et des expériences de vie. 💡 Cela me semble primordial pour des sujets qui touchent à la fois aux registres professionnels et personnels.

L’égalité homme-femme en entreprise fait avant tout appel à l’égalité homme-femme chez soi dans son système familial. Comment cette égalité existe-t-elle / ou pas entre frères et sœurs, dans les relations avec les parents et avec son conjoint ou ses enfants. C’est toute l’histoire personnelle avec un vécu de société qui est ici touchée. Aujourd’hui, d’autres thématiques fortes en entreprise comme l’autonomie, la responsabilisation touchent également ces registres pro-perso car les fondements se trouvent inscrits dans l’éducation au sein du noyau familial et du système scolaire. 🔎 Dès lors que ces sujets touchent à la posture et au comportement de l’individu dans sa vie en général, au-delà de la simple sphère professionnelle, il est d’autant plus difficile et complexe de mener une transformation. Changer un process, un geste métier est beaucoup plus simple que la transformation des savoirs-être, car il existe une continuité de l’être quelle que soit la sphère dans laquelle le changement s’opère.


Par quelles grandes étapes êtes-vous passée avec la communauté SNCF Au Féminin ?


🔎 « Etape 1 : la prise de conscience

Les personnes que j’ai accompagnées, moi la première dans cette aventure, avons conscientisé que nos comportements en entreprise étaient également conditionnés par nos schémas familiaux, notre éducation. La 1ère année de mon mandat a été d’un inconfort extrême pour moi, j’avais même du mal à formuler ma conviction dans ce domaine de l’égalité homme-femme. J’ai compris assez vite que pour pouvoir « parler avec mes tripes » et développer la communauté, j’avais besoin de commencer par faire le travail sur moi-même. Cela m’a permis de comprendre que mon envie et mon besoin étaient d’être libre de choisir autant que les hommes le font, d’avoir les mêmes chances de réussir.


🔎 Etape 2 : la mise au point sur ses enjeux individuels

Cette étape consiste à se demander, dans le cadre de la transformation, où l’on a envie d’aller, qu’est-ce qui fait sens pour moi à l’échelle individuelle ? Qu’est-ce que j’ai à y gagner ? En ayant conscience de ce qui est important pour moi, de mes valeurs, la question de l’alignement avec ce vers où j’ai envie d’aller se pose pleinement pour identifier la place et la voie que je souhaite prendre dans le système. Le risque à ne pas faire cette mise au point sur ses propres enjeux individuels et la place que l’on souhaite prendre serait à nouveau de se faire imposer un nouveau modèle culturel en remplacement de l’ancien. Cela ne permettrait pas de créer un sentiment d’adhésion et engendrerait de nouvelles résistances au changement.


🔎 Etape 3 : passer à l’action

En revanche, réfléchir aux bénéfices personnels que l’on peut obtenir d’une transformation permet de faire émerger un besoin ; à ce moment-là, le passage à l’action devient plus naturel, et il peut être favorisé par la participation à des communautés transverses à des échelles plus petites et locales. Ces relais locaux deviennent les vecteurs de changements opérationnels. Ce sont des endroits de cooptation, de liberté et c’est ce qui fait leur pouvoir d’attraction. Ils permettent aux collaborateurs de s’exprimer en dehors du simple périmètre de leurs jobs du quotidien, de manière a-hiérarchique, de générer une forme de confiance sociale envers la communauté, le groupe, nécessaire pour la co-construction, la contribution au collectif. Plus la communauté devient nombreuse, plus les décisions ressembleront à l’envie du plus grand nombre (et donc moins aux envies individuelles d’un petit noyau de personnes). »


Quels sont les pré-requis pour favoriser l’effet démultiplicateur de ces relais locaux et opérationnels ?


« Au départ nous étions partis sur une idéologie de projet assez pure et militante ; pour pouvoir embarquer davantage de collaborateurs à bord, nous avons accepté qu’elle soit requestionnée et discutée, pour faire en sorte qu’elle soit plus inclusive et qu’elle permette à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice. La communauté devient alors plus accessible. »


Quelles sont les limites et les points d’attention à avoir lors de cette phase d’ouverture de la communauté ?


« La limite et le risque se situent dans le fait qu’à force de questionner, à force de lâcher certains principes (qui sont parfois un peu trop extrêmes au début), le sens et les principes fondateurs se perdent. Il y a donc une étape d’ouverture et de divergence, puis une étape de re-convergence vers un cadre élargi.

Revisiter régulièrement le périmètre et les règles du jeu de la communauté permet d’éviter le risque de :

🤬 perdre une partie de sa communauté,

🤬 se faire « hacker » par des personnes qui apparaissent pour utiliser à mauvais escient la communauté.

Ces règles doivent être fortes et minimalistes pour laisser l’ouverture et l’autonomie indispensables aux relais locaux. Elles doivent être simples, claires, minimales, fermes et coconstruites. »


Qu’aimeriez-vous transmettre à celles et ceux qui mènent des projets de transformation culturelle en entreprise ?


« La transformation culturelle ne s’impose pas ! D’ailleurs je préfère le terme « changement culturel » qui évoque davantage une continuité, une évolution et moins la notion de rupture.


Confiance & Liberté : 💡Je fais le pari de la confiance, car j’estime qu’il faut d’abord donner confiance pour recevoir la confiance des autres. Le préalable pour donner confiance est de se faire confiance à soi-même.

💡 Un certain degré de liberté me semble également un pré-requis pour créer la communauté, faute de quoi les personnes qui ont envie de changement ne viendront pas et celles qui n’en ont pas envie viendront encore moins. Il me semble indispensable d’accepter de leur dire « venez et portez le sujet à votre manière sur votre périmètre ».

👉🏻 Confiance et liberté ont un effet de levier pour embarquer tous ceux qui de près ou de loin ont envie de changement.


A la SNCF ont entend encore beaucoup la petite phrase « la confiance n’exclut pas le contrôle » qu’en pensez-vous ?


« Je crois beaucoup en l’auto-contrôle, quand on fait confiance, les gens s’autocontrôlent et viennent d’eux-mêmes demander du feedback. Je dirais plutôt « la confiance induit le feedback ».


Quand la communauté prend une grande ampleur comme aujourd’hui avec SNCF Mixité qui compte plus de 10 000 membres, comment éviter la dérive du système ?


« Le principe des ambassadrices et ambassadeurs permet de construire différents niveaux de relai. 💡 Notre 1er cercle avec les ambassadrices et ambassadeurs, se compose d’une soixantaine de membres responsables des ambassades dans les territoires et dans les métiers. Ils relaient et animent à leur tour en cascade, par cercles concentriques sur la base du volontariat, pour permettre de reconverger en permanence vers les principes fondateurs de la transformation. Confiance, autonomie et responsabilité sont les trois piliers de ce fonctionnement. »


Dans une entreprise qui a 20% de femmes, la transformation ne peut pas s’opérer sans les hommes. Comment les embarquer dans ce type de démarche qu’ils pourraient vivre comme une remise en cause de leur place ?


« En préalable du chantier de changement de nom de « SNCF Au Féminin » en « SNCF Mixité » instruit par Anne-Sophie Nomblot qui a pris la présidence il y a un an, mon travail en amont a été de convaincre que le réseau était ouvert à tous, y compris aux hommes. Changer le nom sans convaincre les collaborateurs au préalable aurait été perçu uniquement comme un coup de com’ opportuniste. Je suis allée partout sur le territoire, dans tous les métiers, tous les établissements pour ouvrir la porte à tous et porter le message d’ouverture de ce réseau. Il fallait montrer que ce n’était pas un réseau uniquement de femmes cadres, mais au contraire une communauté ouverte qui souhaitait s’attaquer à des sujets qui concernent tout le monde. A partir de ce moment-là, le changement de nom a pu se réaliser plus naturellement. Les noms, étiquettes, branding, marques peuvent dire plein de choses, travaillez d’abord le fond, les valeurs, les principes, les objectifs et demandez aux collaborateurs s’ils se sentent concernés."


SNCF Au Féminin a presque doublé son audience entre 2016 et 2020 en passant de 4500 à 8000 membres. Depuis, le réseau est devenu SNCF Mixité et vient de passer à 10 000 membres. Force est de constater que l’effet amplificateur se poursuit dans cette transformation culturelle.


Dans cette aventure, l’animal totem que Francesca Aceto a eu envie de vous partager est l’âne. Un animal qui ne manque pas de caractère, ni d’étiquettes collées sur le dos ! Essayons ensemble de les décoller et de voir ce qu’il peut apporter de bon dans ce type de projet. 😉




Que nous apprend l’âne ?


📚 Sociable et tolérant, il aime le contact et vivre en groupe faute de quoi il sera malheureux. L’entente est la base de son fonctionnement en collectif, il veille particulièrement à ce qu’aucun membre ne soit mis de côté. Apprenez à vous appuyer sur cette force qu’il a en lui pour développer votre réseau et, au besoin, ramener certains membres au centre du collectif.


📚 Intelligent, si ses besoins et ses envies ne sont pas pris en compte il se sentira maltraité et deviendra alors têtu voire récalcitrant. La notion de confiance est donc essentielle pour une relation apaisée et constructive avec un âne. Comment abordez-vous cette notion de confiance avec les ânes autour de vous ?


📚 L’âne vit vieux, très vieux, entre 35 et 45 ans voire plus, … il peut donc bloquer votre projet longtemps s’il rentre en résistance ! Bonne nouvelle, l’âne s’éduque ! C’est dans le dialogue et la pédagogie que vous trouverez les pistes pour une longue et paisible collaboration.


📚 A-hiérarchique, l’âne n’apprécie guère la hiérarchie dans un collectif, cela le braquera et pourra le mener à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs… Il est davantage enclin à l’instauration d’un rôle de « sage » une sorte de membre expérimenté qui pourra conseiller le groupe. Cette position n’est pas définitive et peut évoluer après des discussions… mouvementées ! Tout cela a la vertu d’ouvrir les débats pour faire avancer le collectif, car c’est dans le déséquilibre que le système avance. Gardez toutefois un œil sur le cadre.


🙏 Le mot de la fin par Francesca Aceto🙏

"Cette recette n’est pas figée, nous sommes en amélioration continue. En tous cas elle contient les principaux ingrédients de ce type de changement culturel. Elle s’applique bien au-delà du sujet de l’égalité hommes-femmes, de SNCF Réseau et du monde de la SNCF.

Aujourd’hui, j’utilise cette expérience comme méthodologie pour accompagner les transformations territoriales chez SNCF Réseau, avec d’autres défis comme l’orientation client et la performance économique.

Essayer de convaincre plutôt que d’imposer, en allant toucher les collaborateurs dans ce qu’ils sont, dans leur être, avant de les toucher dans ce qu’ils font me semble la principale façon de les embarquer. Quand une personne semble dans la résistance, qu’elle ne veut pas changer, il est vain de lui coller une étiquette de réfractaire. Je préconise de ne pas s’attacher aux comportements et de les aider à s’interroger sur qui ils sont et en conséquence comment ils peuvent agir différemment et contribuer aux transformations. La résistance au changement ou le refus cachent bien souvent des peurs, des croyances telles que l’incapacité d’évoluer. Ce qui compte n’est pas d’arriver le plus vite possible vers son but, mais de se mettre en route et d’emmener un maximum de collaborateurs, chacun à son rythme. »


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