« Nous avions tout pour être heureux et performants,... pourtant nous n’y étions pas... »
- alice langlet
- 29 janv. 2021
- 6 min de lecture
🤔 Les sondages et classements sur la qualité de vie au travail et l'engagement des collaborateurs font fureur en ce moment. Faire partie du haut de ces classements, être "bien noté" par ses collaborateurs est une chose, apprendre à s'écouter, apprendre à agir ensemble en est une autre.
Découvrez l'interview de Guillaume Perret – Responsable du site de Servas Saint-Gobain Weber et porteur du projet « Lab Servas », sur ce site industriel de plus de 80 collaborateurs.
« Nous avions tout pour être heureux et performants, nous avions les moyens de réussir et pourtant nous n’y étions pas… cela venait de nos comportements. Il y a 4 ans, face à ce constat, nous avons eu carte blanche de notre direction pour entreprendre une démarche « d’entreprise libérée » en partenariat avec OCMA, un cabinet qui nous a accompagné durant les 2 premières années. (Bruno Triboulois est professeur à l’Université de Paris Dauphine et Olivier D’Aramon a une très forte expérience industrielle)
Une expérience dont je retiens 2 points essentiels :
📍 Confiance dans le terrain
📍 Subsidiarité pour tous les métiers : rendre la décision au niveau le plus proche du terrain et à celui qui a la compétence pour la prendre.
En tant que manager, Je pense qu’elle nous a permis de retrouver notre vrai métier de manager : fixer un cadre et laisser la décision à ceux qui savent, les gens du métier dans la plupart des cas.
Cette démarche a été engagée avec 2 priorités :
🎯 Travailler sur les comportements pour améliorer significativement les résultats de performance du site,
🎯 Redonner du sens et de la cohérence organisationnelle et relationnelle pour améliorer notre qualité de vie au travail
Performance et plaisir
Notre apprentissage de manager est qu’on ne peut pas avoir de performance sans plaisir et vice versa
1ère étape : le diagnostic
Nous partions du constat que notre équipe était expérimentée, compétente mais que ce fonctionnement en silo freinait l’efficacité du collectif.
Cette étape a fait émerger des comportements à :
👍 Éliminer : susceptibilité et résignation
👍 Faire émerger : oser dire les choses et savoir entendre les choses, mieux travailler ensemble
Elle a permis d’identifier des valeurs à mettre en place pour réussir ensemble à atteindre notre futur désiré. C’est là qu’est apparu l’acronyme « ABCE » pour Autonomie, Bienveillance, Confiance, Entrepreneuriat.
Définir des valeurs communes, riches de sens n’est pas suffisant, nous nous sommes collectivement accordés sur leurs définitions. Nous avons qualifié ensemble, en sous-groupes de 15 personnes ce que cela veut concrètement dire pour nous, dans nos services, dans nos métiers, pour avoir un socle culturel commun, définir ce que c’est, et ce que cela n’est pas.
A l’issue de cette démarche, nous l’avons formalisé un livret « ABCE » qui à tous les collaborateurs du site ces valeurs avec des exemples concrets. Une première action importante a été d’introduire des « temps d’échanges ABCE » dans les entretiens annuels pour passer de l’intention à l’action et faire prendre corps à notre projet.
2ème étape : traduire nos valeurs en comportements
Après avoir identifié nos valeurs, les nommer, nous les avons traduits dans nos comportements, en nous demandant comment les incarner concrètement dans le quotidien. En faisant chacun un pas de plus dans nos comportements quotidiens dans nos métiers, nous avons commencé à faire bouger le système.
La clé de cette transformation a été de créer un alignement, une cohérence entre valeurs et comportements au niveau de chacun.
La logique d’entrepreneuriat est plébiscitée à tous les niveaux car chacun peut faire des propositions en lien avec l’objectif commun. Chacun est responsable de l’atteinte des objectifs collectifs et veille à maintenir une bonne ambiance de travail. Les cadres ne sont pas les seuls à être responsables des résultats. Développer la co-responsabilité et la co-protection s’avère incontournable dans ce type de démarche.
Une transformation totale de la posture des managers
En tant que manager nous avons également fait le même exercice que les opérateurs. Ce que cela a changé pour nous, les managers du site de Servas :
📌 Se taire, attendre que le collaborateur propose une solution, être gardien du cadre mais rester sur le seuil. Une posture qui permet de faire grandir les collaborateurs en le responsabilisant, sans leur dire quoi, ni comment faire.
📌 « Bienveillance », être le 1er supporter de son équipe, rester attentif aux personnes et accompagner les hauts et les bas sans juger, blâmer a nécessité un travail de fond sur le droit à l’erreur. Se demander en permanence « c’est quoi ma réaction face à l’erreur ? ».
📌 Croire en la capacité des gens, savoir écouter avant de juger n’est pas une posture naturelle et pourtant indispensable pour passer le cap de cette transformation.
📌 Promouvoir les initiatives de l’équipe et pas les idées du chef. Donner du sens au décision, accepter ce qui est hors du cadre à partir du moment où c’est argumenté et cohérent avec les objectifs communs
Un changement de paradigme « Le manager est responsable non pas de ses résultats, mais de ceux de son équipe ».
🤔 Une de mes grandes inquiétudes était de me dire : « super ces intentions, mais est-ce que nous, managers allons être à la hauteur des promesses que nous avons fait ? »
Le travail sur le droit à l’erreur nous a amené à revoir nos processus de décision
✏ Le process de décision opérationnel adresse les sujets du quotidien pour une personne dans son champ de responsabilité. Nous avons décidé ensemble de 2 conditions obligatoires :
1- Pouvoir dire en quoi c’est en lien avec l’objectif commun
2- Informer les personnes impactées par ces décisions
Ces règles sont intervenues après une analyse des dysfonctionnements et des situations de tension que nous vivions. 8 fois sur 10, il s’agissait d’un problème de transmission d’information et 2 fois sur dix cela venait du fait que la décision n’allait pas dans le sens de l’objectif commun.
Nous avons alors repris tous nos processus de fonctionnement, mesuré les écarts entre de ce qui était marqué sur le papier et la pratique. Après identification des processus clés, nous avons revu chaque processus à la lecture de nos valeurs « ABCE » et avons mené des groupes de travail pour revoir chacun d’eux afin qu’ils soient en adéquation avec nos ambitions humaines.
Il ne s’agissait pas là d’une « chasse aux gaspillages », mais d’une « chasse aux incohérences dans le système ».
En parallèle de ces exercices, nous avons sorti tout ce qui était possible des ordinateurs des managers (fiches actions, indicateurs, …) pour rendre visible, en toute transparence pour l’ensemble des opérateurs du site et avons mis en place un management visuel de production dans une salle « cockpit » au cœur du site entre les 2 bâtiments de production.
✏ Ainsi, nous avons fait évoluer notre processus de décision stratégique, en ouvrant toutes les réunions des managers aux équipiers avec le principe de la conférence inversée. Désormais il n’y a plus qu’une seule instance de réunion avec uniquement les managers.
Nous avons également mis en place des outils d’intelligence collective, comme par exemple le « flash co-développement ».
Résultats
📌 Davantage de pertinence dans les échanges, plus d’implication, « si tu tends le micro aux gens, ils ont des choses super intéressantes à dire ».
📌 Nous sommes passés de 5 niveaux hiérarchiques à 3. En tant que manager, cette optimisation de notre organisation m’a permis de me recentrer sur ce qui est essentiel, en enlevant tous nos fardeaux sur nos épaules. On a redonné de l’air à tous les niveaux hiérarchiques restants.
Quelques chiffres
📍 Taux d’absentéisme divisé par 2,5
📍 De 4 accidents par an, nous sommes à 0 accident depuis fin 2017
📍 Le coût de fabrication à la tonne (à périmètre équivalent) a baissé de 8%
📍 Nous avons créé une nouvelle filière de fabrication en partenariat avec une autre filière du groupe. Nous n’aurions pas eu ces perspectives de développement avant, sans cette logique de laisser les collaborateurs entreprendre.

L’animal totem de ce Responsable de Site au fonctionnement d’entreprise libérée est le cheval de trait ; un animal qui tracte le collectif qui participe à l’effort et prend plaisir au sein de ce collectif
« La partie valorisante du métier de manager n’est pas de décider, de donner les ordres, dire aux autres ce qu’il faut faire. Être dans cette posture d’humilité, en laissant la place aux collaborateurs fonctionne quand c’est sincère – à l’image de la capacité d’abnégation du cheval de trait »
Le mot de la fin de « Travailler avec et pour son équipe » Guillaume Perret
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